Créer son entreprise, c’est un peu comme construire une maison. Vous pouvez suivre un modèle préconçu ou concevoir vos propres plans. Et en matière de création d’entreprise, le premier cas est exactement ce que proposent les statuts types. Utilisables pour certaines formes juridiques comme la SASU, la SARL ou l’EURL, ces documents pré-remplis (dont certains sont trouvables facilement sur internet) semblent offrir un gain de temps et d’argent non négligeable. Mais est-ce vraiment le cas ? Est-ce que ce choix est aussi malin qu’il en a l’air ? Ou est-ce une fausse bonne idée pour votre future entreprise ?
Vous me connaissez, je ne fais pas dans la langue de bois. Je vous propose donc de faire un tour d’horizon des avantages, limites et risques des statuts types sur lesquels vous pourriez vous baser. Et croyez-moi, avant d’apposer votre signature sur n’importe quel document, mieux vaut comprendre ce que vous engagez pour votre activité (et plus encore).
Qu’est-ce que des statuts types et pourquoi sont-ils attractifs ?
Si vous êtes en micro-entreprise, la question ne se pose pas, puisque vous n’avez aucun statut juridique à rédiger. Par contre, dès que vous passez en SASU, EURL, SARL ou SAS, vous entrez dans le domaine plus complexe des statuts de sociétés. Et là, la tentation d’utiliser un modèle standard est particulièrement grande.
On parle de statuts types pour désigner des modèles de documents juridiques proposés par certains sites Web. De manière générale, ces derniers sont pensés pour simplifier la vie des entrepreneurs débutants, en leur offrant un cadre tout fait où subsistent uniquement certaines mentions à remplir avant le dépôt au greffe. Rapides, et parfois même gratuits, ces statuts types évitent la phase de rédaction et les coûts générés par celle-ci (surtout lorsqu’il y a recours au service d’un professionnel). Que d’avantages !
Et ce n’est pas si étonnant… Quand on démarre, on n’a pas envie de perdre du temps avec des questions d’ordre juridique, des notions floues de régime fiscal, ou des histoires de gérant, de capital minimum, d’apports, de cotisations sociales, etc. On veut créer vite et passer à l’action !
Malheureusement, les statuts sont loin, très loin même, d’être anodins. Ce sont eux qui posent les bases de votre entreprise (voyez-les comme les fondations d’une maison). Ils encadrent la répartition des pouvoirs, les relations entre les associés, le régime fiscal, le régime social du dirigeant, la distribution des bénéfices, la protection de votre patrimoine, et j’en passe.
Vous comprenez donc bien que si les statuts types proposent une approche moyenne, votre projet exige très probablement des choix bien plus personnalisés.
Quelles sont les limites juridiques et sociales des statuts types ?
Le problème majeur des statuts types, c’est qu’ils ne tiennent pas compte de la spécificité de votre projet. Au contraire. Ils sont figés, standardisés, et leur adaptation est bien entendu très limitée. Que vous soyez un entrepreneur solo en SASU avec un capital symbolique de 1 € ou une société à 4 associés avec 50 000 € d’apports, le modèle reste le même.
Et vous vous en doutez, ça pose un certain nombre de problèmes juridiques. Par exemple, les statuts types d’une SARL ne permettent pas forcément d’introduire des clauses spécifiques sur la répartition du pouvoir, les conditions de cession des parts ou la sortie d’un associé. Si un conflit survient plus tard, vous risquez de vous retrouver coincé faute d’avoir prévu cette situation.
Même chose du côté social ! Le choix du régime social du dirigeant (assimilé salarié ou non salarié), de son mode de rémunération et du fonctionnement de l’entreprise en cas d’absence du gérant est généralement loin d’être abordé en détail dans ces modèles. Et ça peut poser des soucis lors de la déclaration de l’impôt, du calcul des cotisations, etc.
Enfin, sans surprise, le constat est le même sur le plan fiscal. Les statuts types vous imposent parfois un régime d’imposition par défaut. Pourtant, certains statuts juridiques peuvent faire un autre choix en fonction de leurs spécificités. Autant dire que si ces options ne vous sont pas explicitement proposées, vous pourriez le regretter.

Quand utiliser des statuts types ?
Je ne suis pas en train de dire que les statuts types sont à bannir dans 100 % des cas. Il est évident qu’il existe des situations précises où ce choix n’est pas si dangereux. Mais quoi qu’il arrive, vous devez savoir exactement ce que vous faites.
Si vous créez une SASU avec très peu de capital, sans volonté d’évoluer par la suite pour vous associer ou embaucher des salariés, des statuts standardisés peuvent suffire pour démarrer. C’est d’autant plus le cas si vous êtes dirigeant unique, que vous ne percevez pas de rémunération immédiate et que votre activité est simple (consulting, freelance, etc.).
Mais même dans ce cas, vous devez comprendre ce que vous signez.
Pour les entreprises plus importantes, qui prévoient clairement de se développer et d’accélérer leur croissance, mieux vaut oublier l’existence même des statuts types. Seuls les statuts personnalisés vous protégeront, vous et votre activité, des hypothétiques obstacles que vous pourriez rencontrer sur votre chemin.
En plus, n’oubliez pas que votre patrimoine personnel et votre protection sociale peuvent être impactés par les détails et mentions insérés dans vos statuts.
Pour certaines micro-entreprises ou très petites sociétés, les statuts types peuvent donc être une option, mais dans 80 % des cas (si ce n’est plus), vous avez tout intérêt à rédiger des statuts sur mesure adaptés à votre vision.
Vous l’aurez compris, les statuts types peuvent dépanner, mais ils vous enferment plus qu’ils ne vous protègent. Ce qui s’apparente à une bonne affaire lors de la création devient vite une très mauvaise base juridique pour faire vivre votre entreprise. Prenez plutôt le temps de poser les bonnes fondations pour gagner en sérénité, en crédibilité et en liberté.