Quand on lance une entreprise à plusieurs, on est souvent portés par un enthousiasme collectif. On se dit que chacun va s’impliquer à fond, que les rôles sont clairs, et que les projets vont avancer sur la bonne voie. Malheureusement, au fil du temps, il est fréquent que rien ne se passe comme prévu et qu’un associé décroche de l’activité. Et si je vous dis ça, c’est parce que je l’ai trop souvent observé autour de moi. Il ne répond plus aux messages, il ne vient plus aux assemblées, il ne s’investit plus. Or, une telle situation amène son lot de tensions au sein de l’entreprise. À juste titre, les autres associés peuvent alors s’interroger sur leurs options, aussi bien juridiques qu’humaines.
Si vous êtes dans ce cas de figure, je vous propose de découvrir comment faire face à ce désengagement, en gérant la situation avec ce que la loi vous permet, mais aussi en conformité avec vos statuts, en vous basant sur la jurisprudence et en ne négligeant pas les contraintes de votre entreprise.
Un associé a-t-il l’obligation de s’investir dans l’entreprise ?
La réponse va vous surprendre, mais dans les faits, un associé n’a pas l’obligation de s’investir dans l’entreprise. Sauf clause contraire dans les statuts de la société, un associé n’est absolument pas tenu de travailler. Son seul engagement consiste à apporter des biens, de l’argent ou du travail (quand c’est prévu) en échange de parts ou d’actions. La loi, et notamment l’article 1832 du Code civil, ne lui impose aucune participation active aux affaires sociales.
Pour faire simple, un associé est dans son bon droit s’il décide de ne plus rien faire du tout, tant qu’il n’enfreint pas les règles statutaires de l’entreprise ou qu’il ne commet pas de fautes. Malgré tout, il conserve ses droits, à savoir son vote en assemblée, son accès aux informations, ses dividendes éventuels, etc.
En d’autres termes, dans une telle situation, vous pouvez vous retrouver à porter l’entreprise à bout de bras, pendant que votre associé garde son droit de regard sans lever le petit doigt.

Mais qu’en est-il quand l’associé est aussi dirigeant ou salarié ?
Je viens d’aborder le cas classique de l’associé, mais les choses peuvent devenir plus complexes quand ledit associé est aussi dirigeant ou salarié de l’entreprise.
Si votre associé est mandataire social (gérant, président, DG), il est responsable de la gestion de l’entreprise. Il doit respecter la loi, les statuts, l’objet social de l’activité, et défendre l’intérêt social de la structure dans sa globalité. Inutile de dire que s’il abandonne ses responsabilités, cela peut tout à fait être qualifié de faute de gestion et engager sa responsabilité civile (voire pénale).
En cas de manquement grave, vous pouvez donc envisager sa révocation.
Autre cas : si votre associé est aussi salarié de votre société, celui-ci est évidemment tenu par les obligations de son contrat de travail. Comme pour n’importe quel autre salarié, le refus d’exécuter une tâche est une faute (et peut même être une faute grave, dans certains cas, avec un licenciement à la clé).
Bon à savoir : Attention aux règles liées au cumul des statuts ! Un associé majoritaire ne peut en effet pas toujours être salarié. C’est un point à vérifier en amont de votre projet de constitution.
Peut-on exclure un associé désengagé de l’entreprise ?
Comme nous l’avons vu précédemment, il n’est pas possible d’exclure un associé de l’entreprise à moins d’avoir une clause spécifique dans les statuts de la société ou d’avoir signé un pacte d’associés qui tient compte de ce cas de figure.
La loi ne vous permet donc pas d’exclure de l’entreprise un associé qui ne s’investit plus ou qui a disparu des radars. C’est frustrant, mais c’est la terrible réalité juridique. D’où l’intérêt de bien choisir vos associés et de vous entourer uniquement de personnes de confiance !
À noter d’ailleurs que même dans les cas d’exclusion possible, les règles doivent être très précises, en particulier en ce qui concerne la cession des parts ou des actions.
Quelles sont les solutions pour sortir de l’impasse ?
Si vous êtes dans une société actuellement bloquée par un associé inactif, mais que vous n’avez ni clause dans vos statuts ni pacte d’associés, plusieurs pistes restent possibles, mais elles sont limitées.
En premier lieu, proposez un retrait amiable et négociez un rachat des parts. Évidemment, ça vous demandera une bonne dose de diplomatie, et parfois un bon avocat, mais c’est une démarche salvatrice pour votre activité.
Vous pouvez également modifier les statuts pour encadrer les obligations futures, en prévoyant par exemple une clause d’exclusion en cas d’inactivité prolongée. Mais attention, ce type de modification nécessite inévitablement l’accord dudit associé, ce qui peut grandement vous compliquer la tâche.
Le médiateur est également un interlocuteur qui peut vous aider, car il est habitué à gérer des situations complexes. Il pourrait même rétablir une communication constructive entre les parties et discuter d’une possible cession volontaire des parts.
Si votre société est paralysée, le juge peut être saisi. Hélas, ça ne peut mener qu’à la nomination d’un administrateur provisoire, voire à la prononciation de la dissolution judiciaire de l’entreprise. Autant dire que si vous désirez conserver votre activité, ce n’est pas une option à envisager.
Enfin, vous pouvez de vous-même envisager une cession globale de l’entreprise si le blocage est trop profond pour être résolu.
Vous l’aurez compris, un associé désintéressé peut vite devenir un poids pour l’entreprise, surtout lorsque les statuts ne prévoient pas cette situation et qu’il n’existe aucun pacte d’associés. C’est un vrai risque pour la société, autant sur le plan juridique que sur le plan humain. Mais ce n’est pas nécessairement une impasse. En agissant avec méthode et en vous appuyant sur les quelques ressources à votre disposition (comme le médiateur), il est possible de trouver une solution pour contenter les deux parties. Toutefois, rien ne sera plus efficace que d’anticiper cette problématique dès la création de la société, en l’intégrant dans les statuts (et en évitant les statuts types) ou dans un pacte d’associés.